Une stratégie économique globale
Pour une économie dynamique, créative et décentralisée
libérant l’emploi et permettant la durabilité des societés

 

Déconsidéré par ses déficits  avant d’apparaître, hier,  comme le sauveux miraculeux du système financier mondial, l’Etat risque, aujourd’ hui, d’apparaître l’acteur par lequel le sytème économique mondial peut poursuivre  ses ravages politiques, écologiques, culturels et sociaux. En raison de la chaîne des interdépendances économiques et politiques  internationales, une politique d’austérité ajoute du ravage à ces ravages, y compris  celui de nourrir  les appels au protectionnisme.

Comment en sortir ? Ne  pas se contenter de la baisse des charges sur le travail  pour  créer de l’emploi ni de la rationalisation de l’organisation territoriale pour assainir les comptes de l’Etat. Il s’agit d’abord de permettre l’investissement  propre des entreprises  et le développement des compétences locales qui  viseraient la performance économique, la création d’emploi et l’augmentation du  pouvoir d’achat, mesurées en termes de biens non polluants.

Cela commande une stratégie globale, fiscale, monétaire et sociale qui rendrait l’économie créatrice.  Une stratégie qui construirait l’économie du développement durable en tournant  la page des taxes écologiques punitives, du marché inéquitable et spéculatif des droits à polluer, des charges sur l’embauche, du réglementarisme et du monopole monétaire pour encourager  l’auto-organisation du développement local, les inititiatives de l’acteur local et  les énergies entreprenantes du local (intra et extra muros), dont leurs échanges coopératifs avec l’acteur civil mondial,  pour mettre en oeuvre à partir du local un développement durable à l’échelle mondiale.

 

  1. Bâtir l’économie de la durabilité locale et mondiale du développement: l’économie des éco-liaisons locales

Préventive plutôt que réparative, l’économie de la durabilité se donne une perspective stratégique d’ensemble et de long terme pour relier les questions de la protection environnementale, du pouvoir d’achat et de l’emploi, de la performance, de la responsabilité sociale et de la relocalisation des entreprises, de la protection sociale, des déficits publics et des inégalités tout autant que celles du  rôle de l’Etat, des collectivités régionales, de la monnaie, de la fiscalité  et des échanges internationaux. Ces objectifs ne sont en conflit que si la durabilité du développement est réduite à la question environnementale.

Une économie produit des biens durables en considérant  les déchets d’une activité comme ressource d’une autre, en rapprochant zones de production et zones de retraitement des déchets, en ne concevant, ne produisant et n’important que les biens dont les déchets sont localement réutilisables et les polluants confinés en milieu étanche. Cette économie d’éco-liaisons locales transforme le produit local en service à la fois local et mondial, sobre en matière et intensive en intelligence humaine, en coopération, en travail et en emplois locaux. Mettant localement en boucle le cycle économique global (de l’extraction de matière à sa réutilsation), elle trace les périmètres économiques territoriaux durables. Faisant prévaloir la qualité de l’information et privilégiant la productivité des ressources naturelles (produire plus et mieux avec moins de matière et d’énergie)   sur celle du travail, les performances  des écosytèmes économiques locaux qu’elle dessinent ne reposent  pas sur la réduction des salaires  mais sur la qualification du travail, la décroissance des coûts des inputs, du traitement des déchets, de la réglementation environnementale et du transport. Elle donne forme et contenu au  concept global de durabilité dans des éco réseaux de territoires et  des territoires d’éco réseaux  et offre les conditions économiques, technologiques et sociales d’une stratégie autonome et endogène de développement local et d’inclusion sociale productive.

Cette autonomie du développement des communautés locales inscrit son ambition dans le projet d’un développement durable de l’économie mondiale. Seule cette ambition, forcément interculturelle, où l’audace serait de mettre en tête le  plein emploi,  la satisfaction des besoins humains essentiels et la conservation du bien commun mondial (l’environnement, l’éducation, la connaissance, la santé, la biodiversité naturelle et culturelle, etc.), permettrait  d’empêcher  tant la sphère des affaires que celle de l‘Etat de tenir un rôle de carcan d’une société menacée par des chocs autant climatiques que civilisationnels.

 

  1. Défiscaliser l’emploi, éco-imposer les équipements polluants et taxer les importations de biens non durables pour abonder un Fonds mondial de la durabilité mondiale  et donner sens au libre échange.

Un Etat servirait à  cette construction en faisant débattre trois mesures, dont  les modalités de leur application:

1.la suppression  progressive mais générale  des cotisations patronales pour libérer l’emploi, une des conditions de mise en oeuvre des technologies des éco liaisons, intensives en main d’oeuvre.
2. l’instauration d’un éco-impôt compensatoire sur les équipements polluants  pour solvabiliser la protection sociale et inciter les entreprises à modifier leurs technologies de production aux dépens du capital polluant,  qui deviendrait plus coûteux,  et  en faveur du capital non polluant et de l’emploi, rendus moins coûteux
3.la taxation des importations de biens polluants pour abonder un Fonds Mondial de la durabilité mondiale. Cette  mesure n’est donc  pas une mesure de protectionniste. nationale  En participant à la réduction de la surproduction  planétaire  de déchets et de polluants, cette mesure entrainera d’autres pays, et en premier lieu , de la communauté européenne.

Ensemble,  ces trois mesures permettent d’orienter le marché local, national et mondial vers les investissements de la durabilité et de contribuer à construire  la durabilité à l’échelle locale et mondiale. Tout en permettant d’économiser les ressources de l’Etat, elles incitent au développement des  technologies des éco liaisons locales, augmente le volume global de l’emploi et  le pouvoir d’achat mesuré en  biens et services durables. Puisque l’offre des biens non polluants  s’accroît et leurs prix  baissent, la suppression des charges sociales n’étant pas compensée par l’éco-impôt pour les entreprises qui les produisent, le pouvoir d’achat  des consommateurs  ne dépendra que de leurs préférences entre  biens polluants et non polluants, produit localement ou importés.

Cette fiscalité dispense de la  tentation de la surréglementation qui  pèse sur l’entrepreneur et de la tentative permanente des Etats  à transfèrer la charge de la réforme sur les ménages par la voie de la taxation écologique  ou de la réduction de la protection sociale au lieu de chercher la durabilité dès la conception du produit. En  donnant  sens et direction aux échanges internationaux: émanciper l’économie mondiale des technologies polluantes et destructices du travail, elle privilégie le libre échange  – tel que redéfini en son objet – au marché inéquitable et spéculatif des droits à polluer.

Cette politique renforce  l’initiative individuelle, oriente la recherche-développement,  responsabilise  les énergies créatrices et entreprenantes du local et, avec l’aide des réseaux numériques sociaux civils, permet à  la société civile mondiale et aux communautés locales de se polliniser mutuellement.

Le retrait des technologies polluantes une fois atteint, d’autres outils fiscaux  devront  se substituer à l’éco-impôt pour financer la protection sociale, mais ils s’appliqueront dans un contexte de plein emploi,de diminution des dépenses liées aux maladies environnementales et de la qualité humaine d’une formation multidimensionnelle.

 

  1. Décentraliser la gouvernance de la durabilité du développement de l’économie mondiale: des écosystèmes économiques locaux, ouverts, bi-monétaires et coopératifs.

 

Pour maintenir  l’autonomie du développement de l’économie  locale et  soutenir sa capacité de résilence  dans le système monétaire mondial,   la construction des éco liaisons locales doit s’accompagner  de la mise en place de systèmes locaux bi-monétaires, une monnaie complémentaire  locale et une monnaie internationale. Cette économie globale à l’échelle locale  contribue à une gouvernance  décentralisée de la durabilité de l’économie mondiale en favorisant la mise en réseau local et mondial des  acteurs des  innovations durables de l’économie  locale, dont  ceux de l’économie solidaire,  pour échanger leurs biens  et connaissances  et celle  des acteurs civils locaux, nationaux  et mondiaux  pour échanger des informations et  créer des projets concrets de durabilité globale. Enfin, cette économie développe la  coopération internationale institutionnelle et civile  décentralisée – complémentaire et réciproque –  pour mettre en oeuvre des projets de durabilité locale conjoints,  co-construits et contextualisés.

Se lancer en pionnière d’une nouvelle « exception culturelle »:  la sauvegarde du  bien commun mondial et local, dont l’épanouissement des droits humains, est la seule perspective qui offrirait à la France un rôle déterminant dans le monde.

Léo Dayan

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